Il y a une ambiguïté à lever tout de suite : la crainte n’est pas la peur. Jésus ressuscité dit d’ailleurs aux apôtres : « N’ayez pas peur » (Mt 28,5). La peur ne vient donc pas de Dieu, tandis que la crainte est un des dons du Saint Esprit. Comment le comprendre ? C’est un peu comme un homme amoureux d’une femme, mais il ne sait pas encore si elle l’aime aussi en retour. Il essaie de lui montrer qu’il l’aime, mais il peut craindre que son amour ne soit pas perçu, pas compris ou pas accepté, cela arrive. Mais il peut surtout craindre que son amour à lui ne soit pas à la hauteur, ou ne corresponde pas aux attentes de cette femme. C’est donc une crainte amoureuse. Cette crainte est un don car elle pousse à avancer toujours davantage, à se donner davantage, à ne pas rester au tronçon de chemin parcouru. Bref, la crainte est un don car elle est à la fois respectueuse et profondément dynamisante. Autrement dit, c’est la crainte de passer à côté de la grâce du Seigneur. Cette crainte vient de la conscience de la distance qui nous sépare du Dieu Très-Haut. Et cela se traduit concrètement par un grand respect des paroles et des enseignements du Seigneur. Ce don nous apprend donc à rejeter le mal presque instinctivement.

L’obstacle à ce don de crainte est de ne avoir jamais acquis, ou d’avoir perdu le sens de la grandeur et de l’absolu de Dieu. Même si la foi musulmane est différente de la foi chrétienne, les musulmans ont en général ce sens de la grandeur de Dieu qui a tant impressionné par exemple Charles de Foucauld au Maroc. Il est vrai que dans l’Incarnation, Dieu est venu jusqu’à nous. « Il s’est abaissé devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix » (Ph 2, 7-8). Mais s’il s’est abaissé, anéanti même, c’est qu’il est le Très-Haut ; je ne peux donc pas rabaisser Dieu à mes petites affaires, ou le juger d’après mon point de vue, alors qu’il est, Lui, le Tout-Puissant, le juge de tout, le juge des vivants et des morts.

Un moyen pour recevoir ce don réside dans le fait de développer en soi un esprit de reconnaissance, de gratitude, et surtout de louange. On le remercie pour les biens qu’il nous donne, mais on le loue parce qu’il est Dieu. La reconnaissance allège et fortifie l’âme, la louange la soulève comme un oiseau.

Un exemple biblique :

– Pour le désir de toujours avancer : Le sacrifice d’Abraham (Gn 22, 1-13)

Abraham avancé en âge avait tout quitté et mis bien des années à tenir dans ses bras Isaac, l’enfant de la Promesse. Quand le Seigneur lui demande de le faire monter vers lui (c’est à dire, de l’offrir en sacrifice), Abraham consent à cette demande à première vue incompréhensible et même contradictoire avec le fait qu’il lui a enfin donné un héritier légitime. Abraham consent, car il ne conçoit pas qu’il puisse refuser quelque chose à Dieu qui lui a tout donné. Ce consentement le fait progresser dans la foi, puisque par la foi, Abraham avait pensé que « Dieu est capable même de ressusciter les morts » (He 11, 19).

– Pour le rejet du mal : Les accoucheuses d’Egypte (Exode 1,17)

Devant l’accroissement des Hébreux, Pharaon avait ordonné aux accoucheuses de jeter au Nil tous les enfants mâles dès leur naissance. Mais les accoucheuses, même païennes, ont quand même une conscience et ne veulent pas participer à ces meurtres. Le livre de l’Exode le relate en ces termes : « Les accoucheuses craignirent Dieu, elles ne firent pas ce que leur avait dit le roi d’Egypte, et laissèrent vivre les garçons » (Ex 1,17). On a là un exemple d’un rejet concret du mal en raison de ce don de la crainte de Dieu.

Chantez cette semaine un chant à l’Esprit Saint : Viens Esprit Saint !

Vitraux Béthanie - Pentecôte 5 - Paroisse HouillesCarrières