« Et aussitôt, en remontant de l’eau, il vit les cieux se déchirer et l’Esprit descendre sur lui comme une colombe. Aussitôt l’Esprit le pousse au désert. Aussitôt, laissant leurs filets, ils le suivirent. Aussitôt, le jour du sabbat, Jésus se rendit à la synagogue, et là, il enseignait. » Aussitôt, aussitôt…, pour Marc dans son Évangile, tout semble prendre un caractère d’urgence. En mettant en scène ce rythme effréné, Marc semble en tout point être l’un de nos contemporains.
Nous nous accordons facilement pour dire que notre monde va de plus en plus vite, que nous sommes tous connectés les uns aux autres, interdépendants dans nos métiers, dans nos déplacements, notre nourriture. Et cela est tout à fait vrai. Comme est vraie également l’impression d’un temps qui passe lentement, si lentement pour d’autres que l’espoir de jours meilleurs semble se réduire jour après jour. Je pense en premier aux personnes isolées, chez elles ou à l’hôpital, en prison ou enlevées et captives. Pour ces personnes-là, c’est un temps de retrait du monde rarement désiré mais bien réel pourtant.
Et vous qui marchez vite, qui êtes sans cesse sur la brèche, voyez-vous arriver dans quelques jours le temps du Carême et ses quarante jours de prière, de jeûne et d’aumône ? Ne serait-ce pas alors l’occasion, à notre tour, de faire un pas de côté et de nous approcher du buisson ardent qui nous appelle par notre nom ?
Avec le temps du Carême, nous sommes invités à relire, dans le secret de nos cœurs, la vie que nous avons reçue, les dons qui nous ont été remis, ceux qui ont donné du fruit et les autres, les chemins et les routes par lesquelles nous sommes passés, les peines et les tristesses vécues mais aussi les joies et les bonheurs reçus.
Dans ce temps de Carême, il y a aussi une tendresse de Dieu à accueillir (Ps 85,15). La tendresse d’un Dieu qui souhaite nous associer à son œuvre, qui nous veut heureux de vivre en sa présence et au milieu de nos frères et de nos sœurs.
Cela passe par la prière toujours et en tout temps (cf. 1Th 5, 16), par le jeûne de ce qui vient entraver nos faims et notre soif du Royaume, et par l’aumône qui nous appelle à devenir pauvres et ainsi être en mesure de recevoir le Royaume (Mt 5,3).
Revenons à l’évangile selon Saint Marc avec qui nous cheminons toute cette année. Revenons à cette urgence présente tout au long de son texte. Que souhaite-t-il faire comprendre à ceux qui ne peuvent pas bouger comme à ceux qui vont déjà très vite ?
L’urgence à laquelle Marc nous soumet est celle de découvrir, ou de redécouvrir Jésus-Christ, par toute notre vie, dans notre prière personnelle et communautaire, dans notre travail, dans notre famille, mais aussi par le souci que nous avons de notre prochain.
Au chapitre 15 de l’évangile selon Saint Jean, Jésus dit « Mon commandement le voici : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. », que je prolonge volontiers par le verset suivant : « Vous ferez cela en mémoire de moi. »
Ce commandement n’est donc pas une option facultative, et de même qu’avec les prescriptions de la loi juive, le commandement est ce qui nous rapproche de Dieu et de notre prochain, sinon, il ne sert à rien et vaine est notre espérance.
Laissons-nous façonner par notre Créateur : Il nous console dans notre prière et nous encourage à prier pour tous les humains ; il nous donne l’audace et la force d’aller vers notre prochain et vers l’étranger. Croyons-le fermement ! C’est en effet dans ces deux lieux qu’il nous précède, et c’est dans ces deux lieux que nous le rencontrons.
En pensant au temps du Carême qui approche, je terminerai par les mots de Saint Paul dans sa lettre aux Romains : « Je vous exhorte donc, frères, par la tendresse de Dieu, à lui présenter votre corps – votre personne tout entière –, en sacrifice vivant, saint, capable de plaire à Dieu : c’est là, pour vous, la juste manière de lui rendre un culte. »
Que ce temps de Carême soit pour chacun et chacune de nous, un temps de ressourcement par la prière et la lecture de la Parole, et un temps de fête des retrouvailles avec nos frères et sœurs humains par toute la Terre.
Michel Berdah, diacre