De là où je vous écris, c’est pas la joie. « Covid à la maison, du bazar fait moisson » si j’osais un proverbe de mon cru. Vous me direz : as-tu essayé, pour le moral, les « boosteurs de vitamines » (35 euros la plaquette de 8), les « cocktails aux omega ionisés » (46 euros le tube de 5, les révolutions biomédicales ont leur coût, que voulez-vous ma bonne dame), bien en vue à la pharmacie entre deux offres spéciales de crèmes pour fessiers ou bustes ramollis ?

J’ai mieux. J’ai mille fois mieux, j’ai « les recettes de la joie de sainte Hildegarde », un véritable trésor que nous, génération laudato si, n’avons pas fini de redécouvrir, et qui mérite une présentation un peu plus circonstanciée que les petits gestes habituels de cette rubrique (« paroissienne à l’isolement, paroissienne qui prend son temps », si j’osais, encore, un autre proverbe de mon cru).

Hildegarde de Bingen est une très grande sainte du XIIe, mystique, prophétesse, poète, médecin et moraliste (c’est-à-dire : qui a remonté les bretelles de nombre de puissants de son époque). Elle a médité et écrit, notamment, sur la façon dont la joie et l’élan spirituel jaillissent avec bien plus de force lorsque notre corps est l’objet de nos bons soins, et en particulier lorsque nous apportons une attention particulière à notre alimentation. On voit bien comment cette intuition, qui lui est venue de l’Esprit saint, car Hildegarde n’a cessé d’avoir des visions de connaissance depuis l’âge de trois ans, annonce ce que nous appelons aujourd’hui l’écologie intégrale. Cette « alimentation de la joie » repose sur des principes médicaux dont certains ont perdu leur pertinence, mais dont beaucoup se sont trouvés confirmés par la science. Des exemples : la grande digestibilité de l’épeautre (et ses effets sur le taux de cholésterol) ; les vertus du fenouil sur les estomacs délicats ; le génie tonique de la sauge… Hildegarde le savait et l’avait dit, sans la plus petite idée de ce que peut être une « molécule » !

L’idée n’est pas tant de s’émerveiller qu’une sagesse ancienne ait su ce que nous modernes croyons avoir inventé. Hildegarde est docteure de l’Église, pas patronne d’une chaîne de boutiques « bio, bien-être et méditation de pleine conscience ». Avec les enseignements d’Hildegarde, nous apprenons surtout à relier davantage notre « corps mangeant et buvant » à la qualité de notre vie spirituelle, et, partant, à notre désir de Dieu. La joie profonde n’est pas un état vaporeux, elle prend naissance dans le corps : une digestion anarchique, c’est le risque d’un esprit opacifié qui peine à avancer dans l’amour.

Sainte Hildegarde, priez pour nous ! Mes chers frères et sœurs, aux fourneaux !

La rédaction vous conseille, pour commencer  : les « biscuits de la joie », la « soupe de fenouil », la « marmelade de potiron », la « terrine de choux-fleurs » (recettes envoyées gratuitement sur demande !)

Agnès Mannooretonil